Er ist wieder da

Titre français: Il est de retour
Réalisateur: David Wnendt
Année: 2015
Avec: Oliver Masucci, Fabian Busch, Katja Riemann, Christoph Maria Herbst

LE FILM

70 ans après sa disparition, Adolf Hitler se réveille dans le Berlin de nos jours à l’emplacement de son bunker. Sans guerre, sans parti, sans Eva. Dans une Allemagne en paix, sous Angela Merkel et peuplée de plusieurs milliers d’étrangers, il commence une carrière à la télévision, mais surtout une campagne politique. Il se met alors à sillonner cette Allemagne nouvelle à la rencontre des allemands. Bien que sa personnalité, tout comme son apparence, n’ont pas changé depuis 1945 et que pour certains il est surtout un acteur politiquement incorrect, il parvient à devenir une star du petit écran et obtient de plus en plus d’adhésion auprès des allemands.

Je reste sur cette lancée historique avec ce film plus que jamais d’actualité. Déjà à sa sortie, il entrait en résonnances avec l’actualité en Allemagne. Force est de constater qu’il est malheureusement toujours dans l’air du temps. Il questionne se qui se passerait si Hitler réapparaissait aujourd’hui. Quel serait sa réaction ? Est-ce que l’histoire pourrait se répéter ? Certes, ce n’est pas le premier film qui interroge le passé à travers le présent, mais je trouve ce point de vue uchronique assez intéressant. D’une part, il possède un aspect assez inquiétant lorsqu’il mêle réalité et fiction à travers des prises en caméra cachée, notamment auprès de groupe néonazis, révélant ainsi des réactions authentiques. D’autre part, le sujet est traité sur le ton de la comédie (grinçante), ce qui permet d’une certaine manière je trouve, d’alléger quelque peu le propos. Enfin, on peut également souligner la performance de l’acteur Oliver Masucci que l’ont retrouve d’ailleurs dans Werk Ohne Autor, dont j’ai déjà parlé (il y incarne le professeur de l’école d’art de Düsseldorf, marqué par la seconde guerre mondiale). En somme un film qui fait réfléchir sur notre monde actuel par le biais d’une sorte d’expérience sociale fictionnalisée.

POUR ALLER PLUS LOIN

  • Le film est une adaptation du roman du même titre écrit par Timur Vermes.
  • Certaines scènes ont été tournées en caméra cachée, notamment auprès de groupes néonazis.
  • Dans une interview, l’acteur, Oliver Masucci (l’interprète d’Hitler), fait part d’un constat qui l’a quelque peu troublé : « les gens ont besoin de parler, ils veulent s’épancher auprès d’un Hitler paternel qui les écoute. J’ai trouvé effrayant la vitesse avec laquelle on peut conquérir les gens. Ils se tenaient tout de même debout aux côtés d’Hitler »
  • « L’acteur dit avoir pris 20.000 à 25.000 « Hitler selfies » lors du tournage ».

Frantz

De : François Ozon
Année : 2016
Avec : Paula Beere, Pierre Niney, Johann von Bülow, Cyrielle Clair

LE FILM

Dans un village allemand au lendemain de la guerre 14-18, Anna une veuve de guerre vient se recueillir chaque jour sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Un jour elle y rencontre Adrien, un jeune français. Lui aussi était soldat pendant la guerre, il vient se recueillir sur la tombe de son ami. Toute deux apprennent à se connaitre et échangent sur le passé. Mais cette amitié naissante n’est pas au goût de tout le monde dans le village.

Frantz est avant tout un très beau film sur l’amitié franco-allemande. Dans cette production binationale,  l’allemand et le français s’alternent tout au long de l’histoire. Un français qui parle allemand, une allemande qui parle français dans un contexte historique bien particulier. Nous sommes ici en 1919 au lendemain de la première guerre mondiale. Habituellement, quand il est question de la guerre, j’ai plutôt le sentiment qu’il est question de la seconde. C’est donc un des points qui m’a interpellé avec ce film.

Dans un jeu de couleurs et de noir et blanc, François Ozon donne à voir toute la dureté de l’époque et met en exergue les animosités venues alimentées l’hostilité entre les deux pays. Il en résulte toute l’absurdité de la situation puisque les allemands reprochent au français d’avoir tué leurs fils, et les français reprochent aux allemands d’avoir tué les leurs. Une souffrance mutuelle que les deux nations se sont infligées. Un dialogue de sourd qui n’a fait que croitre et s’étoffer avec le temps. Pourtant la communication n’est pas impossible comme le prouve les deux protagonistes principaux qui affrontent le mensonge, le deuil et la culpabilité avec beaucoup de douceur et de fragilité. Le tout se tisse dans un rythme relativement lent et parfois pesant mais reflétant dans le fond les blessures profondes de ce traumatisme encore vivace.

Par ailleurs,  Frantz m’évoque un autre film dans cette veine historique franco-allemande, dont je souhaite faire part. Il s’agit du film français « Séraphine » de Martin Provost. On y retrouve un « couple » franco-allemand et ce contexte de première guerre mondiale (mais aussi les prémices de la seconde). Il raconte l’histoire de cette femme, Séraphine de Senlis, domestique le jour et peintre la nuit. Son talent artistique et ses œuvres sont découvertes par le collectionneur allemand Wilhelm Uhde qui lui permettra de donner de la visibilité à son travail. C’est également une œuvre que je recommande vivement !

POUR ALLER PLUS LOIN

  • Le film est adapté de la pièce de Maurice Rostand « L’homme que j’ai tué » paru en 1930. Avant François Ozon, Ernst Lubitsch avait déjà porté cette pièce à l’écran avec son film « Broken Lullaby » sorti en 1932
  • Les deux acteurs, Paula Beer et Pierre Niney ont dû travailler dans une langue qu’ils ne maîtrisaient pas. Paula Beer explique d’ailleurs dans plusieurs interviews la difficulté de traduire des émotions dans une langue qui n’est pas la sienne. Ainsi que l’épuisement ressenti après une journée de tournage dans une langue étrangère
  • Normalement le prénom Frantz ne prend pas de « t ». Elle s’avère être une faute courante chez les français que le réalisateur a choisi de conserver
  • Le tournage a en partie eu lieu dans de petites villes de l’Allemagne de l’Est d’autrefois où l’architecture des l’époque n’a connu ni destruction ni reconstruction.

Werk ohne Autor

Titre français: L’Oeuvre sans auteur
Réalisateur: Florian Henckel von Donnersmarck
Année: 2019
Avec: Tom Schilling, Sebastian Koch, Paula Beer, Saskia Rosendahl, Lars Eidinger, Hanno Koffler

LE FILM

Kurt est peintre, il découvre sa vocation après la visite d’une exposition sur « l’art dégénéré » à Dresde en 1937 au côté de sa tante qui sera internée et assassinée par les nazis du fait de ses troubles psychiatriques. Plus tard, en RDA, il intègre les Beaux-arts où il doit, non sans peine, s’adapter aux exigences du « réalisme socialiste ». Puis, il passe en RFA, aux côtés d’Ellie une étudiante en mode dont il tombe amoureux. Là-bas, il peut enfin pleinement exercer son art. Toutefois, une ombre vient noircir le tableau. Bien que Kurt l’ignore, le père d’Ellie, médecin reconnu, est étroitement lié au passé terrible de sa famille.

Je suis tombée par hasard sur ce film. Attirée par la thématique artistique, je comprends vite qu’il ne s’agit pas là de l’unique sujet puisqu’il nous plonge dans l’horreur du nazisme puis la rigidité de la RDA. Toutefois, le conflit mondial, qui n’en est pas moins intense et poignant, est très vite évacué pour laisser place à l’après-guerre et comment le passé vient travailler la matière artistique. Dès les premières minutes, ont nous rappelle la vision du régime nazi sur quelques artistes comme Picasso ou Chagall, puis le ton s’adoucie. On passe de tableaux peint avec une grande attention à des œuvres cocasses, maltraitées ou grasses… J’ai beaucoup apprécié le traitement réservé à l’art contemporain, tirant parfois vers la dérision, comme dans la scène de la visite de l’exposition de Düsseldorf. Il nous rappelle qu’il est important de garder un œil critique et détaché.

Malgré le ton parfois un peu trop mélodramatique à mon goût,  le film reste très touchant et sait séduire par sa douceur et sa mise en scène soignée. Son approche singulière et substantielle de l’art, sans manquer d’humour, donne une toute autre dimension à toute la complexité de cette Allemagne blessée et divisée. Par ailleurs, il nous permet de réviser quelques faits historiques puisque le film s’étale sur plusieurs années (de la fin des années 1930 aux années 1960). Enfin, il est aussi amusant d’observer les acteurs allemands interpréter à tout de rôle l’oppresseur et l’oppresser. Ainsi, l’acteur Sebastian Koch qui interprétait le dramaturge surveillé par la Stasi dans « La Vie des Autres » devient ici un médecin partisan de l’idéologie nazie.

Réalisme socialiste : le réalisme socialiste est une doctrine littéraire et artistique du XXᵉ siècle inspirée du réalisme et dans laquelle l’œuvre doit refléter et promouvoir les principes du communisme de type soviétique


POUR ALLER PLUS LOIN

  • Il s’agit du troisième long métrage pour Florian Henckel von Donnersmarck, et marque son retour en Allemagne après « The Tourist » avec Angelina Jolie et Johnny Depp.  
  • Le personnage de Kurt Barnert s’inspire d’un véritable peintre : Gerhard Richter, né en 1932 à Dresde et vivant désormais à Cologne.
  • Ce n’est pas sans raison que le réalisateur se lance dans l’écriture du film en 2014. En effet, il a été fortement imprégné par l’art. Alors qu’il n’a que dix ans, il est marqué par l’exposition d’œuvres avant-gardistes « Zeitgeist » au Martin Gropius Bau de Berlin. Plus tard, la découverte du peintre Gehrard Richter renforcera cette impression.
Gerhard Richter, “Fuji”, Oil on aluminium, 37.4 x 29.2cm, 1996
Gerhard Richter, “Rosen”, Offset lithograph on paper, 63 x 63cm, 1994

  • L’exposition que l’on découvre au début du film réunie les œuvres de peintres comme Picasso ou Kirchner considérés comme malade par le régime nazi. L’art moderne sera interdit au profit d’un art officiel. Inaugurée à Munich en 1937, l’exposition voyage à travers l’Allemagne et l’Autriche et réunira plusieurs millions de visiteurs. Par ailleurs, sa reconstitution nécessitera de nombreuses recherches et certaines œuvres, depuis détruites, comme Les Invalides de guerre d’Otto Dix, ont dû être reproduites d’après des photos et en collaboration avec les archives des artistes en question.
  • De nombreux peintres ont servis de sources d’inspiration pour l’élaboration du film comme par exemple Richter, Beuys, Polke, Uecker, Mack, Warhol, Yves Klein, Lucio Fontana ainsi que les grands artistes de Düsseldorf de l’époque. Le réalisateur s’est aussi inspiré des études de Thomas Demand à Düsseldorf, ainsi que de ses propres études à l’école de cinéma de Munich. Il a également eu la visite de d’artistes venant soumettre leurs idées.

3 Tage in Quiberon

Titre français: 3 jours à Quiberon
Réalisatrice: Emily Atef
Année: 2018
Avec: Marie Bäumer, Birgit Minichmayr, Charly Hübner, Robert Gwisdek

LE FILM

Un retour sur le séjour de Romy Schneider à Quiberon en 1981 au cours duquel elle accepte de passer quelques jours avec le photographe Robert Lebeck et le journaliste Michael Jürgs de la revue allemande « Stern ». Une rencontre éprouvante pour l’actrice qui revient sur l’ensemble de sa carrière tourmentée entre sa vie de mère et d’actrice. Toutefois, elle trouve une forme d’apaisement dans sa relation affectueuse avec Lebeck.

Le film aborde une toute petite partie de la vie de Romy Schneider, actrice inextricablement liée à la France. D’ailleurs les allemands ne lui avaient pas pardonné sa carrière française et la voyaient toujours comme Sissi. Pour les novices de Romy Schneider, comme moi, il permet d’en apprendre plus sur sa vie. Même s’il ne s’agit pas d’un biopic fidèle à la réalité, il soulève néanmoins, le fait que la vie de l’actrice n’a pas toujours été rose. Ainsi il met en évidence les points noirs de sa vie de femme, mère et actrice. D’ailleurs, au sujet de la fidélité à la réalité, le film divise énormément car certains y voit une fiction indécente qui dénature complètement la vie l’actrice. On lui reproche, entre autre, de surtout montrer Romy en train de fumer, boire et pleurer ce qui n’était apparemment pas le cas. Cela mériterait sans doute de se plonger plus scrupuleusement sur la biographie de cette icône disparue afin de mieux en comprendre les fantaisies et les références à la réalité. Mais comme dis, la réalisatrice ne prétend pas délivrer un biopic ou documentaire, au contraire c’est un portrait fantasmé à partir de documents authentiques. D’autre part, il possède une très belle photographie dans un superbe noir et blanc à travers une mise en scène sobre. Le film dévoile un portrait pudique et déchirant d’une femme torturée par ses choix de mère et d’actrice.

POUR ALLER PLUS LOIN

  • Les extérieurs ont été tournés à Quiberon, sur les lieux réels, tandis que les intérieurs ont été filmés sur une île de la mer du Nord .
  • La réalisatrice a eu l’occasion de rencontrer le photographe Robert Lebeck qui lui a fourni toutes les pellicules des photos prises à Quibérons (600 images). Elle a également rencontré le journaliste Micahel Jürgs.
  • Si le film repose sur une base documentaire, Emily Atef a ajouté une part de fiction. En effet, elle a conservé une partie de l’interview mais en a écrit d’autres. L’amie de Romy qui apparait dans le film est un personnage inventé car l’amie qui était présente à Quiberon ne voulait pas apparaître dans le film. La réalisatrice a donc crée ce personnage d’Hilde, une copine d’enfance avec qui Romy a une intimité profonde qui remonte à l’Autriche.

A LIRE: Voici un article consacré au film : 3 Tage in Quiberon »: Romy Schneider hautnah

Der Ganz Grosse Traum

Titre français: L’incroyable équipe
Réalisateur: Sebastien Grobler
Année: 2011
Avec: Daniel Brühl, Thomas Thieme, Kathrin von Steinbung

LE FILM

Basé sur une histoire vraie, le film revient sur l’histoire de Konrad Koch, professeur d’anglais qui introduit le football en Allemagne à la fin du XIXème siècle. Il découvre ce sport lors de son séjour en Angleterre, et décide d’en enseigner les règles à ses élèves afin de renforcer leur esprit d’équipe. Néanmoins, si les élèves sont très réceptifs à ses méthodes pédagogiques ce n’est pas le cas du reste du corps enseignant qui considère ce sport comme « une maladie anglaise ».

Vous êtes vous déjà demandés comment le football était arrivé chez nous ? Personnellement non, pourtant la question n’est pas dénuée de sens. En France, comme en Allemagne, le football figure parmi les sports les plus suivis et fédère énormément lors des grandes compétitions, or à ses débuts il était loin de faire l’unanimité. C’est ce que le réalisateur nous propose de comprendre à travers ce film bon enfant. En effet, le film est classique dans sa forme, avec des situations mélodramatiques et des romances relativement idéalistes. Néanmoins, cela en fait un divertissement ludique. Il nous offre une plongée dans les débuts de l’empire allemand sans être pédant. Il dégage plutôt les grandes lignes permettant de comprendre l’état s’esprit de cette époque de manière générale mais suffisante pour le sujet qu’il traite. Bien que le réalisateur ait fait quelques modifications par rapport à la réalité, cette version donne tout de même une première vision des résistances auxquelles ce sport s’est confronté. Par ailleurs, j’ai aussi trouvé intéressant le parallèle entre le sport et l’apprentissage d’une langue, rappelant qu’il ne s’agit pas simplement d’apprendre des mots et de la grammaire, mais qu’il y a toute une culture qui se cache derrière. Le tout donne un film familial léger. Même si vous n’aimez pas le foot, il saura capter votre attention par sa douceur et sa luminosité.

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

  • Si le film repose sur une histoire vraie, plusieurs faits ont tout de même été modifiés pour le film. Par exemple, le professeure Koch était professeur d’allemand et de langues anciennes et non d’anglais. Il n’a donc pas enseigné les termes footballistiques anglais mais a plutôt tenté de les germaniser.
  • Le film a reçu cinq nominations lors de la 61ème édition du Deutscher Film Preis sans toutefois remporter de prix. Il était nominé pour le Lola d’or, Lola d’argent, Lola de bronze, Lola de la meilleure photographie, Lola des meilleurs costumes.

Transit

Réalisateur: Christian Petzold
Année: 2018
Avec: Jean-Pierre Darroussin, Franz Rogowski, Paula Beer

RESUME

Dans un Marseille de nos jours, des réfugiés sont contraints de fuir les forces d’occupations fascistes pour se rendre en Amérique. Parmi eux, il y a l’allemand Georg qui prend l’identité de l’écrivain Weidel, qui s’est suicidé pour échapper à ses persécuteurs. Georg souhaite profiter du visa de ce dernier pour rejoindre le Mexique. Cependant, ses plans basculent lorsqu’il rencontre la mystérieuse Marie, vouée à une quête désespérée de l’homme qu’elle aime…

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

  • Transit a été sélectionné en compétition officielle à la Berlinale 2018.
  • Initialement l’histoire se déroule dans les années 1940, mais le réalisateur a choisi de faire dérouler l’histoire à notre époque, laissant volontairement visibles des anachronismes.
  • Il s’agit d’une adaptation du roman éponyme publié en 1944 d’Anna Seghers, une femme de lettres allemande juive et communiste. Sous le régime nazi, qu’elle devra fuir, ses livres sont interdits et brûlés. Sa fuite la mène à Paris, Marseille puis le Mexique avant de retourner à Berlin à la fin de la guerre.


NOTE PERSONNELLE

Jean-Pierre Darroussin

Transit est un film singulier et original où se mêle la langue française et allemande. Aux premiers abords, il déroute beaucoup par la transposition temporelle qui est faite et ses proportions kafkaïennes. Toutefois, si les anachronismes, pleinement recherchés questionnent, on se laisse finalement porter vers ces contrées imaginaires quelque peu confuses mais surtout romanesques, relatées par la voix off de Jean-Pierre Darroussin.
Plus tard, la pertinence de ces choix se dessine plus clairement. Ceux-ci permettent de traiter de l’universalité du thème des réfugiés et des traques policières qui font échos à nos actualités, bien que le réalisateur insiste sur la prudence à garder vis-à-vis de ce parallèle. Christian Petzold reste ainsi fidele à l’un de ses thèmes de prédilection, le drame sur fond historique et livre un film troublant qui ne laisse pas de marbre.

M – Eine Stadt sucht einen Mörder

Titre français: M le maudit
Réalisateur: Fritz Lang
Année: 1931
Avec: Peter Lorre, Otto Wernicke, Gustaf Gründgens

RESUME

Une ville terrorisée par un tueur d’enfant déplore une nouvelle victime. Des rafles sont organisées dans les bas-fonds par le commissaire Lohmann. Mais toute cette agitation dérange la pègre qui décide de retrouver elle-même le criminel : mendiants et clochards sont chargés de surveiller les moindres recoins…

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

  • M – Eine Stadt sucht einen Mörder est un classique du cinéma allemand plus connu en français sous le titre M- Le Maudit.
  • Il s’agit du premier film parlant du réalisateur et serait le tout premier film policier du cinéma.
  • Mal reçu en Allemagne, M le maudit sera interdit dans les pays fascistes mais accueilli avec enthousiasme partout ailleurs.
  • Le film offre une interrogation sur la justice et la culpabilité ainsi qu’une critique de l’asservissement.
  • Les bouleversements sociaux ne sont pas des freins à la créativité, comme en témoigne le développe du cinéma allemand entre 1919 et 1933. Bien que le pays sort d’une défaite et commence à s’agiter, jusqu’à mener Hitler au pouvoir, le cinéma allemand manifeste une grande inventivité.
  • Même si le film est d’aspiration documentaire, le but de Fritz Lang n’était pas pour autant de produire une reconstitution de la réalité. Pour construire sont film, il s’est basé sur plusieurs affaires de meurtres en séries au début des années 1920, comme : l’affaire de Haarman, de Schuman, de Grossman, de Denke, de Lüdke et de Kürten (le « vampire de Düsseldorf » arrêté en 1929 ; créant une coïncidence avec le cas imaginaire de M).
  • Le réalisateur interrogea la fascination des gens ordinaire pour le crime. Il y a certes un plaisir ludique dans la résolution d’un crime, mais selon lui cela ne suffit pas à justifier cette attirance. Il pose le postulat que « notre répugnance même [pour le crime] est la preuve […] de la peur qu’un jour, une fois – sous l’emprise des circonstances qui saperont la barrière édifiée par des siècles de civilisation – vous ou moi, pourrons être cette personne. »  En somme n’importe qui est susceptible de commettre un meurtre. Mais pour Lang admettre cette possibilité est une forme de prévention. Son film fonctionne comme une sorte de catharsis.  En gros, il vaut mieux prévenir que guérir.
  • Le titre du film a fait l’objet de modifications par le réalisateur. « Lang prétend qu’il aurait eu l’idée de changer de titre à l’occasion d’un quiproquo avec le propriétaire d’un hangar où il voulait tourner : ce dernier lui en refusait l’autorisation parce qu’il était convaincu que les « assassins » du titre désignaient les nazis, pour lesquels il aurait eu des sympathies. Lang aurait alors expliqué qu’il voulait tourner un film sur un tueur d’enfants, ce qui aurait levé toutes les préventions du propriétaire soupçonneux. Une autre explication peut davantage convaincre : il semble que plusieurs autres films sortis à la même époque avaient recours au mot « Mörder» dans leur titre. Le besoin de se distinguer de la masse de la production a pu jouer. »
  • Parfois ce sont les distributeurs qui font le choix de modifier le titre. En 1959, une version courte sera titré « M, dein Mörder sieht dich an ». En 1960, c’est la télé allemande qui propose un nouveau titre : « M, eine Stadt sucht einen Mörder »
  • Peter Lorre joue le rôle du criminel. C’est d’ailleurs son premier rôle au cinéma.
Peter Lorre
  • Récemment le film a été adapté en série pour la télévision autrichienne par le réalisateur David Schalko


NOTE PERSONNELLE

M le maudit est indéniablement un classique majeur du septième art qui aborde d’innombrables thèmes historiques. On pourrait faire de longs discours sur ce chef-d’œuvre de Fritz Lang, mais il en existe déjà bien assez à mon sens pour prétendre apporter quelque chose de nouveau et de captivant. Je dirais en toute simplicité, il s’agit d’un film à voir et à revoir qui malgré le temps, reste tout aussi passionnant. Par ailleurs, c’était également l’occasion de rebondir sur la série autrichienne adapté du film. Une version moderne pour ceux qui ne serait pas fan des « vieux films » ou simplement curieux de voir comment cette histoire a été transposée à notre époque. Dans tout les cas un film à voir absolument !

LE FILM: Le film est visible sur ce site.


Die Mörder sind unter uns

Titre français: Les assassins sont parmi nous
Réalisateur: Wolfgang Staudte
Année: 1946
Avec: Hildegard Knef, Ernst Wilhelm Borchert, Arno Paulsen

RESUME

Le film raconte l’histoire de Suzanne Wallner de retour chez elle après plusieurs années passées dans un camp de concentration. Dans son appartement, elle trouve le docteur Hans qui loge ici. Alcoolique et traumatisé, il découvre qu’un ancien officier nazi, qu’il pensait disparu, a repris sa petite vie tranquille. Retour à la vie quotidienne, perspective de vengeance, peu à peu, ces deux êtres blessés vont nouer une relation…

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRE

  • Premier film allemand de l’après-guerre, réalisé par Wolfgang Staudte, (né à Saarbrücken en Sarre, ce petit bout d’Allemagne parfois oubliée ). Tourné dans les décombres de Berlin au lendemain de la capitulation. « Trümmerfilm » (ou film de décombre) .
  • Le film commencera même avant la création du studio.Die Mörder sind unter uns participe «  à la création d’un « cinéma des ruines » qui explore les plaies béantes de la défaite et tente d’exorciser les fantômes du IIIème Reich. »
  • Le film a permis de révéler l’actrice Hildegard Knef
  • Il est le premier film produit par la DEFA (Deutsche Film AG), qui fêtait d’ailleurs ses 70 ans en 2016.


NOTE PERSONNELLE

La préparation d’un atelier de l’analyse de l’image pour le jury jeune du festival Max Ophüls Preis en 2019 m’a amené à me plonger dans la filmographie de ce réalisateur originaire de Sarre. C’est ainsi que je suis tombée sur « Die Mörder sind unter uns ». Tout d’abord, sa place dans l’histoire du cinéma allemand a éveillé mon intérêt puisqu’il s’agit du premier film d’après guerre tourné dans les ruines encore fumantes de Berlin. Ainsi, il montre des images brutes d’une Allemagne meurtrie et dévastée, et offre une réflexion sur les questionnements et les blessures que ces événements ont infligés.

Il peut certes paraître un peu primaire sur certains aspects, avec quelques maladresses dans la composition, mais il ne faut pas oublier le contexte dans lequel le film a été tourné : juste après la guerre dans un pays délabré et encore traumatisé. De plus, ces maladresses peuvent aussi soulever des questions intéressantes. Comme l’apparition de la jeune femme belle et sémillante alors qu’elle sort d’un camp de prisonnier. Je trouve pertinent de questionner ses choix et réfléchir sur ce qui les a motivés, ainsi que sur la place des femmes à cette époque en Allemagne.

En effet, selon plusieurs études, les femmes ont eu la responsabilité d’aider les hommes à affronter leur passé et de cette manière aller de l’avant. Enfin, dans le contexte d’un atelier cinéma, le film est riche en mouvement et plans de caméra, au sein d’un décor aux traits expressionnistes. Une œuvre essentielle pour sa culture générale qui offre de nombreuses pistes de réflexions sur le cinéma et l’histoire.

A VOIR: Vidéos sur le films: Trois-raisons-de-voir-les-assassins-sont-parmi-nous

LE FILM: Sinon le film est visible ici, avec des sous-titres anglais

Dossier pédagogique: cette activité se propose d’analyser la séquence d’ouverture du film « Die Mörder sind unter uns » de Wolfgang Staudte.

Die Entdeckung der Currywurst

Réalisatrice: Ulla Wagner
Année: 2008
Avec: Barbara Sukowa, Alexander Khuon, Wolfgang Böck

RESUME

A Hambourg durant la Seconde Guerre Mondiale une idylle née d’une rencontre fortuite lors d’un bombardement entre Lena Brücker, une quarantenaire qui vit seule et le soldat Hermann Bremer en congé dans son pays. Lena offre au jeune homme un abri pour la nuit, mais ce qui devait n’être qu’une situation temporaire perdure et fait de lui un déserteur. Il est désormais forcé de se cacher jusqu’à la fin de guerre que Lena omet de lui dire pour prolonger cette romance. Naturellement ceci n’est pas sans conséquence.

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

  • Le film a été tourné à Cologne ainsi qu’à Riga en Lettonie.
  • Le film est une adaptation de la nouvelle d’Uwe Timm publié en 1993.
  • Barbara Sukowa qui incarne Lena Brücker est l’une des égéries de la Nouvelle Vague allemande dans les années 1980. Elle est notamment rendu célèbre grâce à la réalisatrice Margarethe von Trotta. Par ailleurs, elle a joué sous la direction de Serge Gainsbourg pour son film Equateur sortie en 1983. Et en 2000, elle est membre du jury de la 53ème édition du Festival de Cannes alors présidé par Luc Besson.
Margarethe von Trotta
  • « À Hambourg, une poignée de passionnés de la saucisse sont allés jusqu’à se constituer en association, le « Currywurst Club Hamburg » (CCH), pour défendre ce « symbole de l’identité allemande » contre les « fétichistes de la santé » et les « pourfendeurs extrémistes de la graisse ». Et bien sûr, contre les tenants de son origine « berlinoise ». « Ces faussaires sont nombreux, véhéments et influents, mais en aucune façon sérieux », vitupèrent sur leur site Internet les croisés hambourgeois de la saucisse. »

NOTE PERSONNELLE

Grande spécialité de la « gastronomie » allemande, la saucisse à la sauce tomate et au curry est incontournable en Allemagne. Un musée lui est même consacré à Berlin. J’étais alors intriguée par le titre et curieuse de connaître l’histoire de cette gourmandise peu diététique. Si elle fait incontestablement partie de la culture allemande, son origine exacte fait l’objet de diverses revendications. Bien que l’éditeur du livre, dont le film est tiré, souligne que cette version relève de la fiction, d’autres hambourgeois soutiennent mordicus que le personnage de Lena a bien existé et que son origine se trouve à Hamburg. Pourtant les berlinois livrent une autre version des faits. Qui a tort, qui a raison, voilà une question bien ardue ! Le film propose une variante tout à fait plausible (ça ne serait pas le seul plat né par maladresse). Toutefois, ce n’est pas le propos principal puisque c’est avant tout une romance, qui ajoute un peu de frivolité au contexte ; la création culinaire arrive, elle, plus tard dans l’histoire. J’ai apprécié cette explication sur ce plat que je pensais bien plus antérieur à la seconde guerre mondiale et encore moins que ce soit l’œuvre d’une femme. Raison de plus pour le regarder.